À LA PLUME ET AU PINCEAU
Luc LeClerc, peintre et écrivain
Depuis toujours Dame Nature campe pour moi les rôles de confidente, de modèle et d’inspiratrice. Tant à la plume qu’au pinceau, mes oeuvres d’art veulent la célébrer, vous la faire goûter, découvrir et ultimement respecter. « Peindre, c’est aimer à nouveau » disait Henry Miller. Dessiner, c’est voir pour la première fois, la créativité se nourrissant à même cette puissante drogue d’enfant: l’émerveillement.
Ma technique artistique s’exprime en traitements réalistes avec cependant une volonté de laisser libre cours au geste et à la spontanéité, sûrement tributaire de mes expériences en danse, afin que l’imagination puisse respirer au gré de touches impressionnistes, voire même abstraites. L’alkyde est mon médium de prédilection en atelier. Avec la richesse de ses couleurs, cette huile à séchage plus rapide bien répandue en Europe, me donne une grande liberté et souplesse tout en facilitant les fondus de couleurs. L’acrylique est demeuré le médium à l’eau que j’affectionne pour mes oeuvres réalisées sur le motif lors de mes expéditions en nature.
Dans mes présentations ou expositions deux questions reviennent fréquemment. Combien de temps faut-il pour réaliser une toile et, comment créer la texture, la profondeur et la lumière avec de simples coups de pinceau? J’aime bien répondre à la première question en termes de vécu, c’est-à-dire deux heures-deux jours ou deux semaines appuyées par presque trente ans d’expérience. La deuxième question invoque évidemment la formule sur mesure, qui n’existe pas. L’observation et la compréhension du sujet sont évidemment des conditions essentielles à la peinture réaliste. Chaque peintre doit cependant développer son approche, chaque toile étant un nouveau défi, chaque coup de pinceau ou de spatule, une expérience. L’art devient alors cette façon toute personnelle de traduire l’inimitable empreinte digitale de nos sens.
La confiance s’installe donc lentement au fil des erreurs et la spontanéité du geste et ses accidents devenant un style, une signature. L’assiduité et la discipline doivent faire partie de la vie d’un artiste en quête de perfection, l’inspiration étant un souffle additionnel de fraîcheur artistique. Et, de la toile blanche à la page blanche, il n’y a qu’un pas. L’écriture aspire à un autre état d’âme que le tableau telle la douce odeur de fougère après la pluie, telle l’explosion d’une bécasse presque piétinée, tel le vénérable vertige d’un arbre millénaire. Une image vaut mille mots, mais quelques mots peuvent bien évoquer mille images. Ma plume transcrit donc la saveur de mes périples et le fantastique dans ma quête du quotidien.
De mon arrière-cour au ruisseau de la forêt , du parc de la Mauricie à l’île d’Antiscosti, de l’Ouest canadien au Costa Rica jusqu’en Afrique, j’effectue une poursuite inlassable d’une meilleure compréhension du monde qui nous entoure. La montagne nous raconte le passé, l’arbre nous parle de la forêt, la pluie du lac nous dévoile l’avenir. L’insecte, la grenouille, le Grand Héron et l’humain font partie intégrante d’un cycle de vie, leurs existences dépendantes d’un équilibre si fragile. Face à la nature sauvage rien n’est acquis, une constante remise en question. Et l’Homo sapiens a trop souvent tendance à oublier qu’il fait lui aussi figure de pion sur ce grand jeu d’échecs qu’est la planète.
Dans une société prépensée, prédigérée, préinformatisée, avec les hauts et les bas de l’interprétation collective, c’est l’expérience de première main qui nous rapproche de la réalité. Je vous propose donc tout naturellement, mon retour aux sources en capsules mnémoniques ou imaginaires, traduites à la plume et au pinceau, à la recherche du miracle de la vie.